Neuvaine

édito du 30/9/2023 : de l’homélie du saint Père à Marseille

De l’homélie du saint Père à Marseille
 à partir du texte de la Visitation

…Celui qui croit, qui prie, qui accueille le Seigneur tressaille dans l’Esprit, sent que quelque chose bouge à l’intérieur, il “danse” de joie. Et je voudrais m’arrêter sur cela : le tressaillement de la foi. L’expérience de foi provoque avant tout un tressaillement devant la vie. Tressaillir c’est être “touché à l’intérieur”, avoir un frémissement intérieur, sentir que quelque chose bouge dans notre cœur. C’est le contraire d’un cœur plat, froid, installé dans la vie tranquille, qui se blinde dans l’indifférence et devient imperméable, qui s’endurcit, insensible à toute chose et à tout le monde, même au tragique rejet de la vie humaine qui est aujourd’hui refusée à nombre de personnes qui émigrent, à nombre d’enfants qui ne sont pas encore nés, et à nombre de personnes âgées abandonnées. Un cœur froid et plat traîne la vie de manière mécanique, sans passion, sans élan, sans désir. Et on peut tomber malade de tout cela dans notre société européenne : le cynisme, le désenchantement, la résignation, l’incertitude, un sentiment général de tristesse – tout à la fois : la tristesse, cette tristesse dissimulée dans les cœurs -. Quelqu’un les a appelées “passions tristes” : c’est une vie sans tressaillement. Celui qui est né à la foi, en revanche, reconnaît la présence du Seigneur, comme l’enfant dans le sein d’Élisabeth. Il reconnaît son œuvre dans le fleurissement des jours et il reçoit un regard nouveau pour voir la réalité. Même au milieu des difficultés, des problèmes et des souffrances, il perçoit quotidiennement la visite de Dieu et se sent accompagné et soutenu par Lui. Face au mystère de la vie personnelle et aux défis de la société, celui qui croit connaît un tressaillement, une passion, un rêve à cultiver, un intérêt qui pousse à s’engager personnellement. Maintenant, chacun d’entre nous peut se demander : est-ce que je ressens ces choses ? Est-ce que j’ai ces choses ? Celui qui est ainsi sait que le Seigneur est présent en toute chose, qu’il appelle, qu’il invite à témoigner de l’Évangile pour édifier avec douceur, à travers les dons et les charismes reçus, un monde nouveau. L’expérience de la foi, en plus d’un tressaillement devant la vie, provoque aussi un tressaillement devant le prochain. Dans le mystère de la Visitation, en effet, nous voyons que la visite de Dieu n’a pas lieu à travers des événements célestes extraordinaires, mais dans la simplicité d’une rencontre. Dieu vient sur le seuil d’une maison de famille, dans la tendre étreinte entre deux femmes, dans le croisement de deux grossesses pleines d’émerveillement et d’espérance. Et, dans cette rencontre, il y a la sollicitude de Marie, l’émerveillement d’Élisabeth, la joie du partage.

 

….. Apprenons de Jésus à éprouver des frémissements pour ceux qui vivent à nos côtés, apprenons de Lui qui, devant les foules fatiguées et épuisées, ressent de la compassion et s’émeut (cf. Mc 6, 34), tressaille de miséricorde devant la chair blessée de ceux qu’il rencontre. Comme l’affirme votre grand saint, Vincent de Paul, « il faut tâcher d’attendrir nos cœurs et de les rendre susceptibles des souffrances et des misères du prochain, et prier Dieu qu’il nous donne le véritable esprit de miséricorde, qui est le propre esprit de Dieu », jusqu’à reconnaître que les pauvres sont « nos seigneurs et maîtres » (Correspondance, entretiens, documents, Paris 1920-25, p. 341 ; pp. 392-393).

Frères, sœurs, je pense aux nombreux “tressaillements” qu’a connus la France, à son histoire riche de sainteté, de culture, d’artistes et de penseurs qui ont passionné tant de générations. Aujourd’hui encore, notre vie, la vie de l’Église, la France, l’Europe ont besoin de cela : de la grâce d’un tressaillement, d’un nouveau tressaillement de foi, de charité et d’espérance. Nous avons besoin de retrouver passion et enthousiasme, de redécouvrir le goût de l’engagement pour la fraternité, d’oser encore le risque de l’amour dans les familles et envers les plus faibles, et de retrouver dans l’Évangile une grâce qui transforme et rend belle la vie.

 

Regardons Marie qui se dérange en se mettant en route et qui nous enseigne que Dieu est précisément comme cela : il nous dérange, il nous met en mouvement, il nous fait “tressaillir”, comme avec Élisabeth. Et nous voulons être des chrétiens qui rencontrent Dieu par la prière et nos frères par l’amour, des chrétiens qui tressaillent, vibrent, accueillent le feu de l’Esprit pour se laisser brûler par les questions d’aujourd’hui, par les défis de la Méditerranée, par le cri des pauvres, par les “saintes utopies” de fraternité et de paix qui attendent d’être réalisées.

François

 

Piste de réflexion personnelle :

Est-ce que je peux vérifier que je suis modelé par Jésus dans la prière ? Est ce que je deviens capable d’aimer ceux qui ne m’attirent pas ? Est-ce que je deviens capable de pardonner ? Est-ce que ma prière est vraie. La prière se mesure à la charité qu’elle engendre.